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Les sorties régionales

Une forteresse franc-comtoise
Du XIIème siècle à 1675...

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Sommaire :
1. Les seigneurs de Châtillon
2. Le château
2.1. L'intérieur du château
2.2. Armement et garnison
3. Le château est assiégé
4. La guerre de Trente Ans en Franche-Comté
5. La fin d'un symbole
Notes
Corrélats
 Franche-Comté, d'azur aux billettes d'or et lion de même couronné.

1. Les seigneurs de Châtillon. Sommaire
La seigneurie de Châtillon-sous-Maîche acquiert une existence juridique indépendante dès la fin du XIIème siècle. Elle résulte d'un démembrement du comté de La Roche-Saint-Hippolyte qui englobait initialement la majeure partie de la future Franche-Montagne.
"Castellio" en 1245, la seigneurie s'appela Chastillon ou Chastoillon-en-Montagne dès 1290 (tout comme le comté de la Roche-Saint-Hippolyte connu alors sous le nom de La Roche-en-Montagne) avant son nom définitif de Châtillon-sous-Maîche dès le début du XVIème siècle.



Vue perspective de 1668, collection du Ministère de la Défense, Bibliothèque du Génie, Atlas ms 103 n°11.

Novembre 1999, photo du même endroit ou presque...
Le nom de la seigneurie de Châtillon-sous-Maîche apparaît en 1215 dans des textes officiels concernant Guillaume (ou Vuillerme) de Châtillon.
Avant sa mort en 1225, Guillaume de Châtillon reprit d'Amédée de Montfaucon le fief de Châtillon, ainsi que Neufchâtel et la moitié de Belvoir. Un acte de 1242 du cartulaire de Montfaucon rappelle cet hommage tout en précisant que Guillaume était le père d'Eudes (ou Odon II).

Eudes, comte de la Roche dès 1225, se qualifia en outre seigneur de Châtillon en 1259.

Un de ses fils, Guillaume (ou Vuillaume) fit une reprise de fief pour Châtillon-sous-Maîche et son château en janvier 1264 et mars 1270. Il portait les titres de comte de la Roche et de seigneur de Nolay (Côte-d'Or)

Un autre de ses fils, Jacques de la Roche, prévôt puis évêque d'Autun, fut co-seigneur de Châtillon avec Odet (ou Oudot) de la Roche, son neveu, fils de Guillaume avant de céder ses droits à ce dernier en 1277. Odet épousa Agnelette (ou Agnès) de Saint-Florentin, dame de Puits, et mourut assez jeune en 1280.


Sceau de tabellion (1523-1530)
Leur fils, Jean, comte de la Roche, fut au centre d'un conflit entre Jean, seigneur de Montfaucon et Thibaut III, seigneur de Neufchâtel, qui avaient tous deux des prétentions de suzeraineté sur le fief de Châtillon-en-Montagne. Othon IV de Bourgogne dut arbitrer ce différend en 1290. Jean, comte de la Roche et seigneur de Châtillon, épousa Marguerite, fille de Thibaut III de Neufchâtel-Bourgogne et d'Agnès de Commercy-Châteauvillain, avant 1302. Quatre enfants naquirent de ce mariage.
- Achillande, épouse de Vauthier de Vienne, seigneur de Mirebel,
- Androuin de la Roche, abbé de Cluny et cardinal, mort le 27 octobre 1369,
- Richard, comte de la Roche, époux de Mahaut de Montfaucon, mort prématurément sans descendance mâle le 24 mars 1329 (Mahaut de Montfaucon lui survécut jusqu'en 1360),
- Eudes de la Roche, seigneur de Châtillon et de Nolay, époux de Jeanne de Frolois, inhumé comme Richard dans l'église de Saint-Hippolyte. Il ne laissa qu'un fils, chanoine de Besançon, et une fille Marguerite qui apporta en dot la seigneurie de Châtillon-sous-Maîche à Jacques 1er de Vienne, seigneur de Longwy (Lorraine).

À sa mort en 1372, son fils, Jacques II de Vienne, lui succéda. En 1375, Isabelle, comtesse de Neufchâtel (Suisse), invita Jacques II à reprendre ses château et châtellenie de Châtillon qu'il tenait précédemment d'elle. Jacques II mourut en 1395, son fils Jean de Vienne mourut en 1396 au cours de la bataille de Nicopolis.


Sceau de tabellion (1537-1548)
La seigneurie de Châtillon passa alors à Guillaume de Vienne, cousin de Jacques II, seigneur de Saint-Georges, de Sainte-Croix et de Châtillon-en-Montagne, de 1396 à 1434.

Guillaume II de Vienne, fils de Guillaume, succéda à son père de 1435 à 1454.
La seigneurie de Châtillon serait alors devenue la propriété du margrave (comte des marches-frontières) Rodolphe de Bade-Hochberg, comte de Neufchâtel-Suisse, seigneur de Rothelin, par son mariage avec Marguerite de Vienne, fille de Guillaume II, puis serait passée à son fils Philippe, marquis de Hochberg, époux de Marie de Savoie.
Mais les répertoires de comptes et de reconnaissances des archives de l'état de Neuchâtel (Suisse) ne mentionnent aucun document relatif à la seigneurie de Châtillon-sous-Maîche. Par ailleurs, plusieurs thèses (E. Bauer et A. Bovet) sur les Hochberg n'en disent mot.


Sceau de tabellion (1549-1578)
Cependant, Marie de Savoie, est formellement citée comme dame de Châtillon-sous-Maîche.
Vers 1515, la seigneurie de Châtillon-sous-Maîche était la propriété de Marguerite d'Autriche, fille de l'empereur Maximilien et de Marie de Bourgogne, veuve du duc de Savoie Philibert II le Beau.
Elle demeura terre domaniale de Charles-Quint et de tous les souverains d'Espagne jusqu'à Philippe IV.

Ce dernier, débiteur de 237 964 florins et 16 patagons envers Charles IV, duc de Lorraine, s'engagea, en 1644, à lui céder le château et la seigneurie dont la cession définitive fut exécutée en mai 1647.
Dès lors, l'histoire de Châtillon-sous-Maîche se confondit avec celle de la baronnie de Belvoir jusqu'à la Révolution de 1789.

2. Le château Sommaire
Si seuls les habitants d'une douzaine de villages étaient retrahants au château, la seigneurie de Châtillon-sous-Maîche posséda, au cours des siècles, des sujets et des droits féodaux divers dans soixante bourgs, villages et hameaux (liste).
Le centre administratif de cette importante seigneurie était la forteresse de Châtillon-sous-Maîche, une des clés de la défense du comté de Bourgogne.



Plan de 1668, collection du Ministère de la Défense, Bibliothèque du Génie, Atlas ms 103 n°10.
Voici ce que nous dit au début du XVIIème siècle Jean-Ferdinand Magnin, son capitaine-châtelain : "Ledict chasteau et maison forte dud. Chastillon appartient totallement à Sa Majesté, lequel luy est de grand import et à la province pour estre l'une des principalles place du pays, limitrofe et voysin du comte de Montbéliard d'environ demye leue".
On peut même se demander en étudiant l'architecture de cette forteresse si Châtillon-sous-Maîche n'était pas avant la conquête le château le plus imposant de toute la Franche-Comté, ce qui expliquerait l'empressement de Louis XIV à faire démolir cette place-forte inviolée.
Le château était "scitué sur un grand roc d'une hauteur extraordinaire, escarpé naturellement de tous endroits, hormis à l'entrée, de la largeur de 5 à 6 toises".
L'avant de la forteresse était formé d'une muraille en demi-lune (ouvrage défensif extérieur à deux faces et deux flancs, séparé du corps de la place par un fossé, et disposé entre deux bastions, en avant de l'enceinte) longue de 50 toises (97,50 mètres) et haute de 3 (près de 6 mètres), avec deux portes sur les flancs : l'une allant au village de Châtillon-sous-Maîche et à l'église de Chaux-les-Châtillon, l'autre donnant sur le chemin dit "de la Franche-Montagne" qui menait à Fleurey, Valoreille et Saint-Hippolyte par deux voies ("le chemin des chariots" et "le chemin des chevaux").
Derrière cet ouvrage en demi-lune, l'entrée était défendue par un pont-levis avec une barrière en charpenterie, un pont gisant avec des plateaux et trois portes en enfilade couvertes de lames de fer avec une herse entre la première et la seconde. Ces portes se succédaient sous une tour en pierres de taille haute de 50 pieds.

Tour grande et puissante...
Cette tour ou massif était accolée à une autre "grande et puissante en pierres de taille relevées en bosses, fondée sur le roc, massive avec viorbe et culs-de-lampe aux quatre coins pour asseoir des tourelles", haute de 65 pieds (environ 20 mètres), large de 45 (environ 14 mètres) et possédant des murailles de 16 pieds d'épaisseur (près de 5 mètres).
Entre ces deux tours, au sommet des murailles, une plate-forme couverte de charpente et de laves. Les trois portes donnaient sur le quartier du guet appelé "la peine" avec une chambre et un poêle ainsi qu'une galerie tournée vers l'intérieur du château et une cloche pour sonner l'alarme.
Si une seule petite tour était tournée vers le nord (avec une chambrette, la prison et des greniers), du côté sud, quatre tours de 81 pieds (environ 25 mètres), deux découvertes et deux couvertes, renforçaient les murailles qui atteignaient 64 pieds (19 mètres) de hauteur. Des parapets de deux pieds couvraient les sommets des tours et des murailles. D'après le plan de 1668, on peut estimer la longueur totale de l'enceinte à 550 mètres.

2.1. L'intérieur du château. Sommaire
L'intérieur du château comportait plusieurs corps de bâtiments : le logis du portier avec une forge et un jardin, la résidence du capitaine-châtelain couverte de laves, un bâtiment de quatre pièces appelé "le quartier Reinach" (du nom d'un ancien capitaine-châtelain) habité par l'amodiateur de la seigneurie, quatre autres pièces sous les greniers du château pour les officiers de la terre, une chapelle au-dessus du quartier de garde et à laquelle on accédait par un escalier de pierre extérieur (Châtillon-sous-Maîche avait un chapelain résidant nommé par le Roi d'Espagne), un hôpital bâti en pierres de taille (avec deux châlits), un cellier, plusieurs grandes écuries, des baraquements en bois pour les soldats, deux chambres "avec quantité de mousquets, tambours, drapeaux", et divers corps de logis comprenant une dizaine de pièces à usage non défini, des caves, des greniers, des jardins et un four.
En tout, une superficie de 140 ares se trouve à l'intérieur de l'enceinte, sans compter l'espace compris dans la demi-lune. Le château possédait aussi un grand verger au-dessus du village de Châtillon-sous-Maîche.

Entrée de la grotte des Alsaciens, dans la combe au sud de l'éperon, à l'aplomb de la grosse tour.
Depuis l'intérieur du château (aujourd'hui propriété privée), un souterrain (fermé par une grille) rejoint la falaise côté nord, et débouche à environ 30 mètres de hauteur, on peut alors suivre une étroite corniche qui contourne l'éperon et amène dans la combe au sud du château.
On parle d'autres souterrains, communiquant avec la campagne environnante, et qui sont maintenant effondrés et murés.

2.2. Armement et garnison Sommaire
Un inventaire de 1647 nous apprend que Châtillon-sous-Maîche était alors défendu par 16 canons, 18 autres petites pièces d'artillerie (l'un des canons étant armorié et portant une inscription allemande), 5 hallebardes, 5 mousquets, 5 arquebuses, 7 arbalètes, 18 piques, des lingots de plomb prêts à être fondus et des tonneaux de poudre et de salpêtre.
En temps de paix, lors du recensement de 1657, seize personnes résidaient au château. Les villages retrahants, devaient en outre fournir seize hommes pour le guet auxquels s'ajoutaient de nombreux hommes de guerre.
Avec un tel système de défense, on comprend aisément que Châtillon-sous-Maîche ait résisté à deux longs sièges pendant la guerre de Dix Ans et que l'abbesse de Baume-les-Dames l'ait jugé assez sûr pour lui confier tous les trésors et titres de l'abbaye dès les premiers bruits avant-coureurs de guerre en 1636.

3. Le château est assiégé Sommaire
La position stratégique de la place forte de Châtillon-sous-Maîche, aux limites septentrionales du comté de Bourgogne, face aux cantons suisses, à l'évêché de Bâle et à la Principauté de Montbéliard lui valut le redoutable "privilège" de soutenir plusieurs sièges.
Il est probable que les retrahants y trouvèrent plusieurs fois refuge de 1437 à 1440 tandis que les "écorcheurs" ou "retondeurs" ravageaient les deux Bourgognes. Ces "écorcheurs" de sinistre mémoire étaient des gens de guerre licenciés après la trêve que Charles VII, roi de France, signa avec les Anglais.
De plus, en 1444, de retour de Languedoc, le jeune dauphin (futur Louis XI), "jeune prince vindicatif et volontaire" laissa ses troupes ravager et piller la Franche-Comté et la Haute-Alsace. Montbéliard capitula le 17 août 1444.
À la suite d'un conflit entre l'archiduc d'Autriche et le comte de Bourgogne au sujet du comté de Ferrette, un corps d'armée suisse pénétra dans la Franche-Montagne en novembre 1475. Les troupes du prince-évêque de Bâle en faisaient partie sous le commandement du colonel Hermann d'Eptingen, qui brûla le château de Maîche.
Saint-Hippolyte, Maîche et toute la Franche-Montagne furent réunis à l'évêché de Bâle sous les noms de "Petite Suisse" ou "Freiberg". Le 25 novembre 1475, 191 députés de tous les villages annexés se rendirent au château de Chauvilliers pour prêter serment de fidélité à Jean VI de Wenningen, prince-évêque de Bâle.
Parmi ces députés ne figurait aucun échevin des communautés villageoises qui formaient alors la seigneurie de Châtillon-sous-Maîche, ce qui semble prouver soit que le château résista à cette invasion, soit que Châtillon appartenait déjà au domaine de l'archiduc d'Autriche.
Quelques années plus tard, en 1479, Charles d'Amboise, seigneur de Chaumont, général des troupes de Louis XI, prit le château de Châtillon.
Les Bourguignons le reprirent et en confièrent la défense à Chrétien de Digoine.
En mai 1480, cette place forte dut se rendre à nouveau aux Français. Son défenseur fut décapité et le château rasé pour la première fois.
Il sera reconstruit selon des plans qui en feront au fil des améliorations successives la puissante forteresse des XVIème et XVIIème siècles. Paradoxalement, il conserve son nom de Châtillon qui convenait mieux à la modeste construction initiale du XIIème siècle.
Après cette première destruction du château de Châtillon-sous-Maîche, la région vécut une ère de relative tranquillité pendant un siècle et demi jusqu'à la terrible guerre de Dix Ans, en dépit de quelques alertes en 1525, lors de la Guerre des Paysans, et en 1595, lors de la tentative infructueuse d'Henri IV pour annexer le comté de Bourgogne.

4. La guerre de Trente Ans en Franche-Comté Sommaire
Quand la France entra dans la guerre de Trente Ans en déclarant la guerre à l'Espagne en 1635, Richelieu ne respecta pas la convention de neutralité entre les deux Bourgognes et envahit la Franche-Comté : cet épisode comtois de la guerre de Trente Ans se déroula de 1635 à 1644 et fut appelé guerre de Dix Ans par les historiens.
Bernard de Saxe-Weimar et ses reîtres allemands et suédois prirent et incendièrent toutes les villes de la province, à l'exception de Besançon, Dole, Gray et Salins. Les habitants de la seigneurie de Châtillon-sous-Maîche trouvèrent refuge soit au château soit dans les grottes et les forêts des environs de Saint-Hippolyte et de Sancey.
L'Histoire de la Franche-Comté publiée sous la direction de Roland Fiétier nous décrit ces années d'horreur et de sauvagerie : "Des morts par centaines, par milliers, des femmes violées, des enfants martyrisés, des vieillards brûlés vifs ou rôtis à petit feu, pendus, crucifiés, et une atroce famine qui dura huit années... Les rescapés tapis dans les grottes ou dans des souterrains au fond des bois, comme des blaireaux, redevinrent nécrophages et même parfois anthropophages, tremblant de peur à chaque alerte car les Suédois les muraient vivants, gazonnant les ouvertures et y plantant des arbres !"
À ces atrocités, il faut ajouter plusieurs vagues épidémiques de peste bubonique, dite "peste noire". Une quarantaine de personnes en périrent au château de Châtillon en quelques semaines.
Après la chute de Saint-Hippolyte en janvier 1639, Bernard de Saxe-Weimar chargea le colonel Ohem d'emporter la forteresse de Châtillon défendue par Jean-François Guyot, seigneur de Malseigne, gouverneur du château de Maîche et commandant des troupes de la Franche-Montagne. Mais toutes les tentatives échouèrent devant ce chef-d'oeuvre d'art militaire !
En 1644, Charles-Joseph Guyot, fils du capitaine, naquit dans ce château où sa mère, Alexandrine de Cointet de Châteauvert, avait trouvé refuge. C'est de Châtillon qu'elle écrivit à sa mère : "Je ne suis restée que trois semaines à Maîche, par peur des Suédois. Croyez qu'il me fâche d'être ici au temps où l'on sème pourtant je prends toujours courage d'un peu faire semer. Les Suédois demandent 30 chevaux à la Montagne et ils disent qu'ils brûleront tout, qu'ils nous prendront tous prisonniers si on ne les donne. On ne sait comment on veut assortir à tant de donnements"...
À la fin de la guerre en 1645, alors qu'on estime les pertes humaines à 40 % pour l'ensemble de la Franche-Comté, ce commentaire du capitaine de Châtillon-sous-Maîche nous montre à quel point cette seigneurie a souffert : "Les guerres et pestes aians regnez en ce Pais aud. tens particulièrement rière les villages de lad. terre qui auroient esté tellement affligés qu'il n'y restoit pour le jourd'huy le douzième des personnes qui y residoient avant lesdites guerres".

5. La fin d'un symbole Sommaire
La guerre de Dix Ans se termine en 1645, elle va se prolonger dans d'autres territoires jusqu'en 1665, et moins de dix ans plus tard, ce sera la capitulation de la Bourgogne, et donc de la Franche-Comté.
Châtillon-sous-Maîche avait résisté jusqu'à la reddition de la province.
En 1675, Louis XIV donna l'ordre de raser la forteresse qui, incarnant l'esprit de résistance comtois, l'avait défié.

Notes Sommaire


1. Guillaume de Châtillon portait aussi indifféremment les noms de Guillaume, comte de la Roche, ou Guillaume de Neufchâtel-Dramelay, et était l'oncle de Thiébaud de Neufchâtel.
Les familles nobles avaient l'habitude, déroutante pour nos contemporains, de prendre pour patronymes les noms de certaines de leurs terres alternativement, selon l'humeur des scribes, ce qui est à l'origine de nombreuses erreurs généalogiques.

2. De l'ancien francique fehu (bétail), un fief est une terre, un droit ou un revenu qu'un vassal tient de son seigneur, en échange du service qu'il accompli pour lui. La reprise de fief se fait lors d'une cérémonie appelée hommage en cas de changement de suzerain ou de vassal (succession, mariage, cession).

3. Un cartulaire (du latin charta, papier) est un recueil de titres relatifs aux droits et privilèges temporels d'une église, d'un monastère ou d'une communauté laïque.

4. Oudot est cité en qualité de co-seigneur dans un acte de l'Ordre de Malte en 1269, avant de recevoir de son oncle évêque d'Autun les pleins droits sur la Roche, Châtillon et Soye en 1277, en échange de terres à Montceaux (Côte-d'Or) et Brianne (Doubs).

5. En 1396, une armée fut levée par le roi de France Charles VI pour aller au secours de Sigismond de Luxembourg (roi de Hongrie), en difficulté face au sultan ottoman Bäyazïd 1er (Bajazet). Commandée par le fils du duc-comte de Bourgogne, le futur Jean sans Peur, et comptant nombre de nobles comtois, elle rallia les forces hongroises. Ainsi, forte de «60 000 cavaliers, alla de conquête en conquête aux portes de Nicopolis (aujourd'hui Nikopol, Bulgarie, sur le Danube). Au bout de 17 jours de lutte, Nicopolis était totalement réduite. Dans l'intervalle des combats, les Chrétiens se livraient aux plaisirs de la table, des jeux, bref de la débauche. Ivres d'une telle atmosphère, ils refusèrent de croire à la riposte de leur ennemi accompagné d'environ 100 000 hommes. Dans l'affolement, les Hongrois quittèrent le champ des combats et les Croisés durent poursuivre seuls la lutte, une lutte si désastreuse que tous les grands seigneurs de Bourgogne y perdirent la vie.»
Périssent notamment Jean de Vienne (amiral de France sous Charles V et Charles VI), et parmi les nobles comtois, Guillaume et Jacques de Vergy, Henri de Chalon, Thibaut le Jeune, fils de Thibaut VII de Neufchatel, Jean de Châtelbelin, Henri de Montbéliard-Montfaucon (Montbéliard passe alors aux Würtemberg par l'époux d'Henriette, Eberhart) et bien d'autres.
La noblesse comtoise est affaiblie, et la mainmise du duc de Bourgogne sur la province se renforce.

6. Les villages retrahants (du latin retrahere, retirer) pouvaient abriter leur population, leurs récoltes, leurs bétail et leurs biens meubles dans le château en cas de danger, et devaient en contrepartie fournir des hommes pour sa défense en temps de guerre et pour le guet en temps ordinaire.

7. Battenans, Belleherbe, Belvoir, Bief (et le moulin banal), Blanchefontaine, Les Bréseux, Bretonvillers, Cernay-les-Maîche, Chamésey, Chamesol, Charmoille, La Chenalotte, Clain, Châtillon-sous-Maîche et son château, Chaux-les-Châtillon et son église-mère, Courcelles-les-Châtillon, Courcelles-les-Mandeure (dîmes), Cour-Saint-Maurice, Dampjoux, Droitfontaine, Ebey (près de Belleherbe), Feule, Fleurey, Froidevaux (et le moulin), Germéfontaine, Grandfontaine-sur-Creuse, La Grange, Laviron, Mandeure (dîmes), Montandon, Montprévoir, Neuvier, Noirefontaine, Orgeans, Orve, Péseux, Pierrefontaine-les-Blamont, Pierrefontaine-les-Varans, Poset, Provenchère, Randevillers, Réclère, Remondans, Rosières-sur-Barbèche, Saint-Hippolyte, Sancey-l'Eglise, Sancey-le-Grand, Sancey-le-Long, La Sincelle (hameau de Fleurey), Solemont, La Sommette, Surmont, Vaivre (et le moulin), Valonne, Valoreille, Vauclusotte (et le moulin), Vernois, Villars-sous-Dampjoux, La Violette (hameau près de Belleherbe) et Vyt-les-Belvoir.
La forêt de Mont-de-Vieilley, le gardiennage du prieuré de Vaucluse (initialement), la rivière du Dessoubre et une partie du Doubs appartinrent aussi aux seigneurs de Châtillon.

8. Anciennes mesures de longueur. Le pied correspond à environ 33 centimètres actuels, la toise compte 6 pieds, soit environ 2 mètres actuels.

9. Le capitaine-châtelain est un officier militaire chargé de la défense du château en l'absence du seigneur, ce qui est le cas la plupart du temps. Nommé par le seigneur, il détient les pouvoirs de justice haute, moyenne et basse. Peu versé dans le droit, il délègue souvent ses pouvoirs à des notaires qui portent le titre de juges-châtelains. Capitaines et juges-châtelains occupent les premiers rangs dans l'église paroissiale où ils disposent fréquemment d'un droit de sépulture.

10. L'amodiateur est un officier de la terre. Son rôle est d'affermer (fixer les montants des fermages) les revenus de la seigneurie pour une durée de 3 ou 6 ans, éventuellement renouvelable. L'amodiation supposait une connaissance approfondie de la richesse d'un fief, pour fixer un niveau d'enchère (augmentation) procurant un bénéfice raisonnable. Les procès résultants des contestations étant à la charge des amodiateurs, ceux-ci étudiaient les vieux terriers (livres d'inventaire des terres) pour en tirer d'anciennes taxes ou dîmes oubliées, destinées à compenser leurs frais. Ces terriers furent souvent brûlés à la Révolution, car ils symbolisaient la pression fiscale féodale.

11. Juges-châtelains, procureurs fiscaux et receveurs sont les officiers de la terre, chargés d'administrer la seigneurie et de rendre la justice. Notaires versés dans le droit (et donc dans le latin), ils peuvent cumuler plusieurs fonctions et exercer des professions annexes, recteurs d'écoles ou baillis par exemple.
La justice peut être rendue dans des lieux déterminés ou de façon itinérante. Le juge-châtelain fait sa tournée en emportant un sac rempli de formulaires, accompagné du procureur fiscal et d'un greffier chargé d'établir le compte-rendu des procès.
Les greffiers, qui ne font pas forcément partie du monde judiciaire, sont souvent des notables sachant lire et écrire.
Les tabellions généraux contrôlent les lods (redevances sur les héritages) et sont dépositaires du sceau du tabellionnage blasonné aux armes du seigneur. Le sceau est apposé au bas des actes officiels et aussi des contrats passés entre particuliers.

12. Les reîtres (de l'allemand Reiter, cavalier) sont des cavaliers allemands (parfois suédois) mercenaires au service de la France ou de seigneurs français, souvent employés du XVème au XVIIème siècle.

Corrélats Sommaire
Goupil, groupe d'animations médiévales.


Textes
Les textes de cette page sont adaptés de plusieurs ouvrages, en particulier, «Officiers seigneuriaux et anciennes familles de Franche-Comté» par Jean-Marie Thiébaud, éditions Marque-Maillard, «L'Histoire de la Franche-Comté, tome IV», par Jean-Pierre Redoutey, éditions Mars et Mercure, et aussi de «Vie et moeurs à la cour des Châtelbelin à la fin du XIVème siècle» par Mme Dominique Voisin, mémoire de maîtrise d'histoire du Moyen-Âge.
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