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Sorties régionales

Fouilles archéologiques, grotte de la Baume à Gonvillars (70)
> > Sortie du 13 juin 1999 > > Topographie de la grotte > > Résurgence de la font de Lougres > >

 Les traces d'occupation humaine sont présentes dans cette grotte, au niveau du porche d'entrée, qui a servi d'abri aux chasseurs-cueilleurs du paléolithique, puis aux agriculteurs tout au long du néolithique, et a été de plus en plus aménagé jusqu'à être fortifié à l'âge du bronze.



Biface paléolithique
Le paléolithique (- 80 000 à - 10 000 environ)
 Le paléolithique (âge de la pierre taillée) a laissé peu de documents (bifaces) dans le nord-est de la Franche-Comté et sur la banlieue méridionale des Vosges. Cette lacune est probablement dûe aux profondes reprises d'érosion de l'interglaciaire de Riss-Würm, bien mises en évidence dans la grotte.


Les derniers chasseurs (- 10 000 à - 3 000 environ)
 La fin du tardi-glaciaire et les débuts du post-glaciaire sont les périodes où vécurent les derniers chasseurs-cueilleurs nomades ou semi-nomades.
  Tout au long de cette période de temps, le climat se modifie sensiblement, entraînant de profonds changements dans la faune et la flore. Le cerf remplace le renne, la forêt dense remplace la taïga. Sur un territoire donné et à un moment donné, chaque groupe humain a donc évolué de manière autonome, s'adaptant à des conditions particulières. Quelques caractéristiques restent cependant communes à l'ensemble des groupes, l'apparition de l'arc, la miniaturisation des outillages.


Civilisations néolithiques (- 4 000 à - 2 000 environ)
  Au néolithique (âge de la pierre polie), le passage d'une économie fondée sur la chasse et la cueillette à une économie pastorale et agricole fixe le groupe au sol, oblige l'homme à devenir sédentaire, temporairement ou définitivement.
  Cette fixation au sol se traduit dans l'habitat par le choix de constructions adaptées à la durée. L'accumulation de réserves alimentaires (céréales, troupeaux) nécessitera d'élever des structures défensives, barrières, fossés pour se préserver des pillards. Dès lors, à ces obligations de défense du groupe, la société se hiérarchisera avec ses chefs, ses classes de soldats, de techniciens (agricoles et autres).


Grotte de Gonvillars (70)
Stratigraphie au niveau du porche.
d'après Pierre Pétrequin
Repères des niveaux :
XIV éboulis de gélivation
XIII éboulis (silex) du paléolithique supérieur
XII petit habitat épipaléolithique
XI néolithique ancien
Xb néolithique moyen
X néolithique moyen
IX céramique cordée
VIII bronze ancien
VII rempart de caillases, bronze ancien
VI bronze final
V et III bronze final
II médiéval
I moderne


Néolithique ancien (- 4 000 à - 3 000)

Hameçons en os
(Niveau XI)

  L'habitat de la grotte de la Baume est supposé du début du néolithique. Cet habitat (la couche XI) a été brutalement interrompu par l'effondrement partiel du plafond de la grotte et ses occupants ont abandonné leur mobilier sur place. L'étude des vestiges et leur répartition a permis à Pierre Pétrequin d'avancer toute une série d'interprétations sur l'occupation humaine : Il s'agirait d'un habitat temporaire, établi au printemps et interrompu au début de l'été.

  Trois foyers et groupements d'objets semblables pourraient correspondre aux aires d'habitat de trois familles. Les trois foyers, grossièrement circulaires, d'un diamètre moyen d'un mètre, étaient adossés à la paroi ou à un gros bloc. Ils étaient établis directement sur le sol naturel, sans aménagement préliminaire, ni cuvette creusée, ni entourage de galets ou de blocs. Trois légères dépressions de forme ovale, d'un rayon de 3 à 4 mètres entouraient les foyers. Comme la surface de ces dépressions est fortement rubéfiée, il faut en conclure que le sol avait été cuit et durci lors de l'aménagement de l'aire d'habitat.


Plan schématique du porche
montrant les trois foyers, les dépressions epierrées et rubéfiées.
Le pointillé indique l'aplomb de la voûte actuelle.

D'après P. Pétrequin


 Malgré une fouille minutieuse, aucun trou de poteau avec pierres de calage n'a été mis en évidence. Les trois unités d'habitat de Gonvillars n'étaient donc que des implantations temporaires.

Armatures de flèches (Niveau X)

  A la suite de l'analyse pertinente de la répartition des outils et des déchets tant culinaires qu'industriels, les activités de base communes et indispensables, ainsi que les activités complémentaires plus spécialisées, ont pu être précisées. Chaque cellule familiale vaquait en effet à différentes occupations : chasse, pêche, moissons, mouture. La chasse et la pêche sont attestées par des traces de filet en fibres végétales calcitées sur la paroi d'un vase, par des hameçons en os et des armatures de flèches.
  Plus des deux tiers de la faune recueillie dans le niveau XI proviennent de la chasse : loutre, renard, ours brun, sanglier, cerf élaphe, chevreuil et bovidé. Seuls le chien et le mouton sont des animaux domestiques.

Poignard poli sur cubitus d'ovicapridé (Niveau XI)

  Plusieurs lames de silex portent le "vernis céréalier" ou "lustre des céréales" et prouvent que le groupe était capable de cultiver et de récolter des céréales.
  Sur le sol du niveau XI a d'ailleurs été recueilli une énorme quantité de céréales carbonisées (1 mètre cube) dont 50% de triticum dicoccum (épeautre amidonnier), 25% de triticum aestivo-compactum (blé tendre), 25% d'orge nue et quelques grains de triticum monococcum (engrain).
  Si l'origine des céréales (méditerranéenne et orientale) n'est pas résolue, on peut se demander également à quoi correspondait cette énorme réserve de grain. Les céréales n'ont pas été cultivées près de la grotte, car on ne trouve que très peu d'épillets parmi les grains : le battage a donc été réalisé à une certaine distance du gisement.
  D'autre part, la conservation des céréales est excellente et leur carbonisation est artificielle : Il s'agit d'une torréfaction volontaire dans des fours, où le blé était d'abord séché puis grillé pour assurer sa conservation.

Vase en céramique (Niveau XI)

  Chaque cellule familiale possédait le matériel de mouture nécessaire : meules dormantes en grès ou en poudingue triasique, dont la plus grosse atteignait un poids de 38 kilos, et broyons de même matière. Le stockage de l'eau et de la nourriture était assuré dans plusieurs vases, de forme hémisphérique à bord rentrant, ou du type amphore ou bouteille à col marqué.
  Chacune des cellules avait des activités plus spécialisées : Pour la première, le travail du bois de cerf, la taille du silex (réserve d'éclats et de lames brutes), le travail des tissus et des peaux (aiguilles et poinçons).
  Pour la seconde, le travail des peaux (présence de grattoirs, de perçoirs, de pointes et de burins tranchants). Le mobilier archéologique, daté des environs de 4000 avant J.-C. est donc contemporain du rubané ancien ou moyen de l'Alsace. L'absence de céramique décorée ne permet pas de rattacher cet ensemble aux civilisations danubiennes.
  Deux hypothèses ont été avancées quant à l'origine de ce faciès : rubané récent de la région de l'Yonne (est du bassin parisien), ou néolithique occidental à céramique lisse ; il est difficile de se prononcer mais la présence de 25% de triticum aestivo-compactum de culture méditerranéenne parmi les céréales pourraient être un argument sérieux pour la deuxième proposition.


Néolithique moyen.

Lame de silex retouchée avec extrémité pointue (Niveau Xb)

  Les deux grands courants culturels néolithique, courants danubien et méditerranéen, vont se rejoindre et s'interpénétrer sur un axe qui va du bassin parisien au plateau suisse en passant par la Bourgogne et la Franche-Comté. Ces influences orientales vont donner naissance au groupe Epi-Rössen dont l'extension semble bien limitée au nord du Jura. Il est connu par le niveau X et Xb de Gonvillars et les découvertes anciennes des tombes de la grotte de Cravanche (90).


Néolithique final.
  Au sud de la Franche-Comté se développe, sous l'action d'un courant méridional, la colonisation Saône-Rhône qui couvre le bassin du Rhône et de la Saône.
  Au nord de la Franche-Comté apparaît un courant de colonisation néolithique final d'ouest vers l'est, qui introduit les mégalithes et constituerait une liaison entre la civilisation de Horgen en Suisse et la S.O.M. (Seine-Oise-Marne) du bassin parisien.


Civilisations chalcolithique
  Les civilisations chalcolithiques (ancien âge du cuivre) ne sont pratiquement pas représentées en Franche-Comté. A signaler quelques éléments de céramique cordée dans cette grotte de la Baume à Gonvillars.


Le bronze ancien (2 000 à 725 avant J.-C.)
  Le site est défendu par un rempart, derrière lequel était établi le campement. Dans ce gisement, les niveaux du bronze ancien reposent sur des niveaux néolithiques et chalcolithiques (ancien âge du cuivre). Le niveau VIIb est un rempart de caillasse liée par une terre noire peu homogène (0,9 m de haut, 2 m de large à la base).
  Sur sa face extérieure, le rempart est soutenu par un parement en grosses dalles, conservé sur trois assises. Le niveau VIII, également du bronze ancien, est essentiellement détritique, avec quelques foyers en lentille. Il correspond à un habitat situé en arrière du rempart VIIb mais il a été partiellement remanié par les aménagements du bronze final.
  L'ensemble de la céramique appartient au bronze ancien du groupe du Rhône. Dans l'outillage en silex, quelques types d'armatures de flèche font leur apparition, l'outillage poli est exclusivement en aphanite : petites haches à section quadrangulaire, ciseaux. Comme à la période précédente, l'os est utilisé pour des poinçons et des gouges. L'outillage en bois de cerf est un peu plus développé qu'au néolithique : poignards et gaines de hache à talon équarri et ressaut bien marqué.
  On connaît quelques parures trouvées avec les ossements de deux individus, un adulte et un enfant, dispersés sur 4 mètres carrés dans le niveau VIII et appartenant probablement à une sépulture à inhumation.
  Ces parures sont faites de coquilles d'unio (moule d'eau douce) perforées, de coquillages méditerranéen de type cardium, perforés et polis, de perles circulaires en calcaire.


Le bronze final.
  Pendant l'âge du bronze final (niveau III) l'habitat est d'assez longue durée sans que l'on puisse la préciser. Il se transforme en site fortifié. Le porche de la grotte a été puissamment aménagé pour en assurer la défense. Comme près de 60 mètres cubes de terre et de caillasses ont été transportés pour édifier les terrasses d'habitat, cela ne serait pas explicable pour un habitat de courte durée.


Adaptation du texte : Philippe Vergon. Dessins : d'après Pierre Pétrequin.
Source bibliographique :
"Préhistoire et protohistoire de la Franche-Comté" par André Thévenin,
in "L'histoire de la Franche-Comté" éditions Mars et Mercure, Wettolsheim.

L'archéologie est aussi expérimentale, lisez la page du CAIRN (Centre Archéologique d'Initiation et de Recherche sur le Néolithique) à Saint-Hilaire-la-Forêt (Vendée) et celle du complexe préhistorique d'Avrillé (Vendée) qui lui est associé.